• Variations pour un verger

    Ce texte a été publié dans le numéro 104 de la revue Traversées 

     

    1.

    Verger de notre vie parcelle héréditaire

    De ciels cultivés à fleurs de nuages

    Tout fruit tombé pleuré enrichit notre terre

    En rectifie l’essence transforme par émondage

     

    Toutes rencontres choix sourires attentions

    Blessures orages sont semences plantées

    Avenirs promesses mais avant tout moisson

    D’une juste acceptation qui en crée la beauté

     

    En fauchant nos halliers pouvons-nous nous ouvrir

    Telle une fleur révélant sa pleine munificence ?

    Sol ensemencé de plus simples espérances ?

     

    Chaque vie est un verger sarclé incessamment

    Où l’on extirpe le superflu au cœur du temps

    Avec peut-être l’espoir d’un sens à découvrir

     

     

     

    2.

    Carré cultivé de douze pieds. Sur quatorze sillons. Non ! Décidément ! Ce texte. Ne me convient pas ! Carré créé. De douze pieds sur quatorze sillons. Carré long. Trop carré. Trop limité. Par son agencement. Illusoire. Illusoire car trop. Contrôlé. Un de ces jardins trop parfait. Trop domestiqué. Ceux de nos contrées. Une pelouse bien tondue. Infirme de ses herbes. Que l’on dit folles.

    Mais toute plante. A sa raison d’être. Et d’exister. Sa propre valeur. Sa propre beauté !

    Douze pieds. Quatorze sillons. Rythme maîtrisé. Trop ! D’un temps passé. De vie. Amidonnée.

    Un sonnet !

    Non mais ! La poésie est vie. Rappelle-toi. Ce que l’on maîtrise. Est si peu. Au regard du tout !

    Ce sonnet. Me sommait de le. Revivifier.  Aux flux et reflux. Du monde végétal. De son exubérance.

    Grouille. Grouille. Abonde. Et fourmille. Pousse et crois. Et jouis. De cette énergie. Qui en toi se déplie.

    Alors. Ciseler ce texte. Dans cet accord discret. Qui consiste. Surtout. À le laisser se jardiner. Dans l’instinct.  Dans l’instant de lui-même.

    Rire des herbes folles. Ces vagues du temps. Tailler les syntagmes. Qu’ils rejaillissent. Avec d’avantages. De vigueur. Semer au devenir. Émonder parfois. Bouturer l’inattendu. Laisser. Éclaircir. Entrelacer. Et accepter. La part indomptée. Notre part sauvage.

    Donner. Un coup de serpe. Dans ce trop bel. Ordonné !

    Allez ! Assieds-toi dans un recoin. De ton texte-jardin. Pour l’écouter se murmurer. Pour l’écouter. Te murmurer.

     

     

    3.   

    Verger de notre vie  

    petit enclos de terre              

    jardiné à fleurs de nuages

     

    Paysage

    tissé

    à d’autres paysages

                                  

    En fauchant

    les broussailles   

    de nos héritages

    parviendrons-nous       

    à le maintenir                 

    enchanté?

     

    Verger

    de notre vie

    terre jalonnée

    des fruits des rencontres

     

    Sucrés parfois

    parfois surets

     

    Mais tous

     

    Matière d’humus

    nourrissant

    notre sol

    d’une essentielle richesse

     

    Nos cieux lumineux    

    et ceux d’orages                                           

    sont semences plantées 

            

    Promesses 

    peut-être

     

    Mais avant tout

    moisson

    moisson immédiate de beauté             

     

    Un labeur  

    de toute heure     

    sarcler sans relâche 

    le sens des rires et des malheurs

     

    Et

    extirper l’épine de stupeur

    dans le cœur du temps

     

     

     

    ©Géry Lamarre, 2021