• La blessure est l'endroit où

                                       La blessure est l’endroit où…

     

     

    La blessure est l’endroit où la Lumière entre en vous.

                                                                              Rumî

     

     

     

    1.

    L’enfant

    face aux hauts vallons des océans de blés

    enlaçait les vents leur peau

    amplifiant sa peau

    ses rêves.

     

    Il invoquait ainsi

    mémoire d’œuvre de sérénité.

    Et cette allégresse

    s’envolait à l’infini.

     

     

    I. 

    Minuit été.

    Fenêtres entrouvertes sur les ritournelles

    de voletées d’ados

    fêtant la fin des examens

    les vacances ou plus en même temps.

    Ritournelles

    éclats et rires.

    Ritournelles de joies

    précieuses

    à nos endormissements.

     

    Précieuse

    souviens-t ’en.

     

    Préférerais-tu t’endormir

    dans la fureur des peurs et des pleurs ?

     

     

    2.

    Certains matins

    il s’enivrait

    avec le chant des oiseaux

    voletant d’arbres en arbres

    apposant de branche en branche

    le sceau rebelle de l’allégresse.

     

    Ménestrels

    du temps vécu avec insouciance.

     

     

    II.

    Eclats d’un temps

    présent lointain

    où l’innocence a été … 

     

    Sanglotent

    sanglotent les murs

    des chambres

    suffocation et troubles.

    S’enfuir.

    S’enfouir dans le limon de la mémoire.

     

     

    Et les fées

    les regards détournés.

     

    3.

    Il aimait s’allonger

    fermer les yeux et laisser le temps couler sur lui.

    Il y avait les bruits les pépiements de la campagne

    et les frissons des vents fragiles de vie.

    Et lui

    en écho contenait alors le Monde.

     

     

    III.

    Paradis

    mis subitement en jachère.

     

     

    4.

    Et la Forêt.

    Sa présence.

     

    IV.

    Eclats de temps

    Où sur la roue voilée de ma mémoire

    une brume dérobe les étapes

    dérobe les escales des souvenirs.

     

    Embrumer

    espérances et cauchemars des jours

    n’ayant ni fin

    ni fin.

     

     

    5.

    Présence

    lui murmuraient les feuillages

    un chant d’une douceur subtile.

     

    C’est que

    les arbres aussi nous respirent

    le cœur en écho.

    Indéfectibles.

     

    Le temps laissé de côté.

     

    V. 

    Aux détours de cette mémoire

    les rêve pleins sangs

    se transforment.

    Soudain irrémédiable à porter le faix

    des sœurs fanées

    père.

    Quel destin est ainsi irrité

    sang issu du sang

    deviendrais-je être beste ?

    De quoi devrais-je un jour

    peut-être m’éloigner 

    pour protéger les avenirs des miens ?

    Cette simple éventualité

    une croix de braises.

     

    Dans l’incohérence de l’incertain

    cette volonté entêtée

    ne jamais exalter les oripeaux de victime

    quand certains y trouvent

    leur unique généalogie.

     

     

     

    6.

    La main posée sur leur écorce

    l’enfant y écoutait son propre pouls.

    Il y avait là un réseau d’avenirs

    aussi véhéments qu’étranges.

     

    VI.

    Difficiles cicatrices

    si difficiles celles

    qui te font rester là

    figé

    avec ce cœur de loup glacé.

    Plaisir douceur douleur

    tissage indifférencié.

     

    Double ou triple peine ?

     

     

    7.

    Regardant lointaines

    ces étendues vallonnées

    banderoles de brumes légères

    comme caresses de crépuscule

    dans lesquelles se métamorphosait

    la forêt.

     

    Entre ombres et arbres

    Travaillaient ces instants où

    tous les sourires délavés

    se réenchantaient.

     

     

    VII 

    Percevoir la lourdeur des chaînes

    et y puiser ce difficile

    qui nous rend plus quelque part

    sur le chemin chiffonné de la vie.

     

    Créer la beauté

    malgré tout.

     

    Malgré tout

    s’offrir la conviction que chaque épreuve

    finira fondation.

     

     

    8.

    Mémoires d’instants sans pesanteur

    courses et rires

    batailles caches-caches

    toutes ces vies éloignées

    devenues chasses gardées.

    Longtemps oubliées sous le voile

    des pérégrinations et errances.

     

    Il y a

    tant de vies

    en une seule.

    Et tant de vie

    aussi.

     

     

    VIII. 

    Du passé sont restées tant d’images

    aucun souvenir d’ émotions

    comme si je m’en étais expurgé le cœur.

    Tant de nuits et de jours

    se sont coulés dans une armure

    de pare-être.

    et un bouclier de silence.

     

     

     

    Ne plus être.

    Ne plus être à vif

    d’une arborescence chancelante.

     

    9.

    Il y avait également les livres

    des livres

    des piles de livres.

    Une voracité

    une fuite toujours plus en avers

    approcher le monde

    y guetter une vérité

    comme un onguent.

     

    IX. 

    S’il vous plait

    Dessine-moi l’amour.

     

    C’est quoi l’amour ? Le premier était mal dessiné et malade.

     

    10.

    L’enfant n’est plus

    moi.

    Il a été origine

    embryon

    tigelle perçant l’adolescence

    s’érigeant au soleil de neuf vies

    s’imbibant de l’eau neuve de rencontres

    belles et moins

    nourritures terrestres.

     

    L’arbre

    métamorphosé par son feuillage

    contient-il encore la graine qu’il avait été ?

     

     

    X.

    La peinture

    une peau

    caressée tel un désir

    visuel et tactile

    un baume

    appelant

    la beauté du cœur du temps.

    Gestuelle de guérisseuse.

    Un préliminaire.

    11.

    Tant de vies

    tant de voyages

    dans les livres les musées les cafés

    en esquives de fantômes

    se disparaitre dans le tumulte du monde.

    Et les amours

    fanés inachevés avant d’avoir fleuris.

     

    Déambuler le cœur du Monde

    longtemps invisible

     

    à soi-même.

     

    XI.

    Tu sais à quel point

    l’image que l’on se fait de soi

    peut parfois… 

     

    12.

    Ainsi errer l’énigme de la vie

    tressée de fils de choix

    et de non-choix

    d’incertitudes

    de lâchetés

    que l’on se fait à soi-même

    que l’on retire de l’écheveau du béant

    comme dans cette langue où le mot visage

    est toujours pluriel.

     

    Le mystère est

    peut(-)être.

    dans l’entre-deux de cette errance.

     

    XII.

    La poésie                                quant à elle

    a révélé

    labeur de ses sens fugaces

    un écho

    se répercutant en mes corps.

    A élagué

    broussailles et maux de poussière

    et au-delà.

     

    m’assume solitaire de mon sentier

    joyeusement individué.

     

    Ne plus avoir à prouver.

     

     

    13.

    Prouver. 

     

    Accepter

    désormais

    d’épanouir

    les frondaisons du présent.

     

     

     

     

    XIII. 

    La lumière rendit alors fortune à la terre

    l’amour devait en être le fertilisant.

     

    La vie vraie ?

     

    14.

    Jamais l’amour

    n’a été le mauvais reflet du rêve.

     

    XIV

    Désolé que tu aies dû

    attendre

    mon amour

    il fallait d’abord

    que mon cœur transmute ses brisures

    pour retrouver forme humaine.

     

     

           © Géry Lamarre, 2022-2024